Cleveland, désurbanisation et résistances dans l’Amérique abandonnée - Max Rousseau et Vincent Béal
Avec Vincent Béal et Max Rousseau, auteurs de Plus vite que le coeur d’un mortel. Désurbanisation et résistances dans l’Amérique abandonnée (paru aux éditions Grevis), on aborde le spectaculaire déclin de la ville de Cleveland aux Etats-Unis.
Ancienne métropole industrielle, le cas de Cleveland est instructif à plusieurs titres : dès l’époque de sa grandeur, l’organisation de ses quartiers repose sur une ségrégation raciste explicite entre ghettos noirs et "suburbs" blanches. La désindustrialisation de la fin du XXe siècle, puis l’explosion de la bulle spéculative immobilière des années 2000 lors de la crise des subprimes, auront fini d’assécher les dernières richesses des quartiers pauvres. La ville a perdu des centaines de milliers d’habitant.e.s, parti.e.s gagner leur vie ailleurs ou expulsé.e.s lors de la saisie de leur logement par leur banque. Des quartiers entiers se sont vidés et dégradés, à tel point que les habitant.e.s qui restent ne peuvent parfois plus s’approvisionner facilement en nourriture.
Nous abordons d’abord l’histoire de la ville et de son déclin, puis nous revenons sur les différentes réactions institutionnelles et privées face à l’abandon de quartiers entiers :
la création d’une "banque foncière" (par le Comté) chargée de racheter les maisons vacantes et de les démolir ou de les rénover, en fonction d’indicateurs moulinés par des algorithmes complexes mais qui recouvrent en fait une croyance à la logique du marché immobilier ;
la création de potagers, à l’initiative d’habitant.e.s qui réinvestissent des pratiques de subsistance alimentaire, d’associations qui promeuvent le lien social, ou encore d’entreprises sociales ou lucratives qui voient dans les énormes surfaces foncières vacantes l’opportunité de développer une agriculture urbaine qui, à défaut d’être complètement rentable, pourra au moins valoriser les terrains en attendant mieux.
Le propos du livre permet donc d’aborder des phénomènes de prises et de déprises de terres dans une ville en déclin, avec à la fois des tentatives d’auto-organisation pour répondre à des besoins de subsistance, des formes de capitalisme social (le "cleveland model" qui repose sur la consommation locale de biens et services produits par des entreprises coopératives) et des formes familières de spéculation foncière dans les friches et les interstices urbains.
Pour aller plus loin : la BD et le documentaire mentionnés dans l’émission